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3 mars 2007 6 03 /03 /mars /2007 16:20

Une vue partielle du manoir (Gérald Vigineix).

 

UN PEU D'HISTOIRE

Le manoir de Vigineix (Viginet, Vigenet...) est un domaine sei­gneurial de la paroisse de Saint-Nectaire en Auvergne (maintenant dans le département du Puy-de-Dôme) situé à 8 lieues de Clermont-Ferrand et à 10 lieues de La Tour-d'Auvergne. Manoir et domaine dépendaient de la puissante famille de Saint-Nectaire, représentée au début du XVIIe siècle par Henri de Saint-Nectaire, marquis de La Ferté, ambassadeur, ministre et maréchal de camp. Avant 1645, manoir et domaine appartiennent à Gaspard de La Rechardie d'Aulhiat. Le 29 juin 1645, ce dernier les vend à Benoît de Broë, noble de robe, conseiller du roi, président de l'élection de Clermont. Par deux acquisitions à des paysans voisins, en mars 1647 et juillet 1648, Benoît de Broë agrandit les terres agricoles de 35 cartonnées, soit environ 2,5 hectares, qui s'ajoutent au domai­ne de Vigineix, dont on ignore la superficie initiale. Durant le troi­sième trimestre de 1648, vraisemblablement, Michel Baraduc, marchand clermontois et sa femme Claude Reparon soeur (leur mariage date de 1646-1647), fille d'un maître serrurier de Montferrand, abandonnent la vie urbaine pour aller régir le domaine de Vigineix.

En 1650, Benoît de Broë a cherché à céder Vigineix et a trouvé acquéreur en la personne du frère de Michel Baraduc, c'est-à-dire Pierre Baraduc, marchand d'Auvergne en Espagne et bourgeois de Bayonne, où il fait fortune. Au lieu de devenir seigneur de La Tour-d'Auvergne, son lieu de naissance (7 février 1604), Pierre Baraduc [fils de feu Pierre Baraduc et de Françoise Redonchal], deviendra seigneur de Vigineix.

Le 19 juillet 1650, le notaire clermontois Gorce établit le contrat de vente de la « maison noble » et du domaine de Vigineix : « Noble Benoid Broë ... vand, cedde, quitte, remet et transporte dès maintenant et pour toujours ... à honorable homme Pierre Baraduc, marchand originaire de la ville de La Tour-d'Auvergne, demeurant à présent en la ville de Madrid en Espagne et à ses hoirs successeurs et ayans droit cy present stippullant et acceptant pour luy et ses­dicts hoirs, à sçavoir le lieu noble et domaine de Viginet, concistant en maison, grange, aultres bastiments, boix pour parcage, terres, fermes et vaccantes, deppandances et appartenances. » Font partie de la cession « tous les bestiaux de quelque nature qu'ils soyent... les meubles et ustencilles de maison dont ledict lieu est à présant garny » ainsi que les terres que Benoît de Broë a achetées en 1647-1648. Il en coûtera 4 093 livres à Pierre Baraduc pour les biens immobiliers et 207 livres pour les bestiaux et meubles. L'acquéreur fait le voyage de Madrid à Clermont-Ferrand et paie, sur le champ, un acompte de 1 000 livres « en pistolles d'Espaigne au poid et prix de l'ordonnance bien comptées et nombrées ». Un mois plus tard, Pierre Baraduc transmet par les soins de sa s?ur Anna, une lettre de change (15 août) de Bayonne, de la valeur de 3 000 livres « tirée par sieur Jacques Cathalan sur le sieur Delaforcade, marchant à Lion (Lyon) pour valleur receue dudict Jacques Cathalan sur le sieur Broë ou à son ordre, dans tous le mois de septembre ». Les 300 livres qu'il doit encore payer par Pierre Baraduc à Jehan de Broë, fils du vendeur lors du « voyage qu'il faict audict royaume d'Espagne » en octobre de la même année.

Dans un site au charme austère, le manoir tel qu'il est aujour­d'hui ne donne qu'une idée approchante de ce qu'il pouvait être au XVIIe siècle : batisse massive, assise sur un replat de versant de la vallée du Fredet, à peu de distance du village de Saint-Nectaire-le-­Bas, et pas trop éloigné de Saint-Nectaire-le-Haut en empruntant par la montagne le « chemin du Viginet ». Un dolmen est proche, ainsi qu'une source pétrifiante. Il ne faut pas oublier la proximité des quatre principales sources thermales de Saint-Nectaire-le-Bas dont les eaux de l'une, volcanisme oblige, jaillissent à 56°. Dans la clairière d'une belle chênaie, en arrière d'un sobre corps de logis dont la façade principale offre pour tout décor le gris volcanique des moellons encadrant les baies et des pierres de chéneaux en encor­bellement. Bouclé au nord par le chemin du Viginet, et à une alti­tude moyenne de 747 mètres, le domaine est représenté par une grande prairie en pente entourée de bois, adossée au Puy de Mazeyres, regardant en face le Puy d'Eraigne. Au sud-ouest on aperçoit le château de Murol et la courbe des Monts Dore.

À peine Pierre Baraduc avait-il payé l'achat de Vigineix, à l'au­tomne 1650, fort de son implantation intra et extra-muros de Bayonne, qu'il marqua un certain désintérêt pour l'Auvergne. Pour comprendre son revirement, il faut évoquer qu'il fut victime d'un des archaïsmes juridiques les plus redoutés des acquéreurs de sei­gneuries de modeste extraction, jusqu'à la Révolution, c'est le retrait féodal, autrement dit, la faculté pour le seigneur de ban supérieur d'exercer sa suzeraineté en « retrayant » les terres ven­dues par un vassal à un acheteur indésirable. Il lui suffisait pour cela de dénoncer la transaction dans les plus brefs délais et de rem­bourser l'évincé denier par denier. Le domaine de Vigineix dépen­dait de la puissante famille de Saint-Nectaire. Cette glorieuse famil­le habitait un château, dont il ne reste actuellement aucune trace, sur le mont Cornadore (qui signifie « réservoir des eaux »), qui porte tout Saint-Nectaire-le-Haut. À la fin du XVIe siècle, la princi­pale illustration de cette famille, fut une femme : Madeleine de Saint-Nectaire. Veuve de bonne heure, jeune, belle et vertueuse, toujours suivie de soixante hommes d'armes à cheval, elle prend parti pour les protestants dans les guerres de religion, bat le lieute­nant du roi en Haute-Auvergne et finit par le tuer de sa propre main. « Ventre Saint-Gris ! s'exclama le futur Henri IV en apprenant ce fait d'armes, si je n'étais pas Henri, je voudrais être Madeleine de Saint-Nectaire ! ».

Au milieu du XVIIe siècle, cette puissante famille dont dépendait Vigineix, était représentée par Henri de Saint-Nectaire, marquis de La Ferté, cependant, ce dernier ne semble pas avoir exercé son pouvoir de retrait pour recouvrer personnellement le domaine, mais, pratique parfaitement admise, pour le céder à un tiers, son propre juge-châtelain. Ce dernier, Jean Garnaud, habitait Cheynat, paroisse de Ludesse et était aussi bailli de Plauzat et de Neschers. Cela a permis à sa fille Françoise d'apporter, le 2 mars 1653, à son futur époux François Marc de La Salle, sieur de Saint-Mary (Saint-Mary-le-Plain dans le Cantal), les droits sur le domaine de Vigineix que son père avait obtenus. Il restait aux nouveaux seigneurs de Vigineix à en prendre possession effective. Pierre Baraduc a d'abord cherché à conserver le domaine, et son ­frère Michel a continué à occuper les lieux. En attendant que le sénéchal prononce l'exécution du retrait, les époux de La Salle ont consigné la somme à restituer entre les mains d'un homme connu et estimé des deux parties, l'ancien propriétaire, Benoît de Broë, ceci pour satisfaire aux exigences de la coutume d'Auvergne. Il suffisait ensuite, aux uns et aux autres, d'attendre que la justice décide.

En 1658, Michel Baraduc est sommé de quitter les terres de Vigineix et en 1662, le manoir et le domaine de Vigineix, appartiennent définitivement à « François Marc de La Salle de Sainct-Mary, escuier ».

Gérald Vigineix

LES DIFFÉRENTS PROPRIÉTAIRES DU DOMAINE DU VIGINET

Gaspard de La Rechardie de Besse était seigneur de Viginet vers 1640.

Benoît de Broë, vice-président en l'élection de Clermont acquit Viginet par acte reçu chez Me Martin notaire à Clermont le 29 juin 1645.

Pierre Baraduc lui achète le fief le 19 juillet 1650 chez Me Gorce notaire à Clermont.

François Marc de La Salle, écuyer, acquit par retrait féodal le fief de Viginet vers 1655. Il avait épousé Françoise Garnaud le 2 mars 1653.

Dont : François de La Salle, écuyer, seigneur de Viginet, marié le 17 février 1691 avec Isabelle de Vaux.

Le fils aîné fut : François Marc de La Salle, écuyer, seigneur de Viginet, célibataire, décédé à Viginet le 15 janvier 1763, après avoir fait donation de ses biens à son neveu Jean Alexis de La Salle.

Jean Alexis de La Salle, écuyer, seigneur de Viginet, mous­quetaire dans la 1re compagnie de la garde du roi, marié à Ludesse le 22 août 1763 à Marguerite de Roquelaure, née au château d'Artaud le 21 juillet 1751, baptisée le lendemain à Saint-Germain­-sous-Usson [fille de Louis de Roquelaure, écuyer, seigneur de Laval et d'Artaud et de Marguerite Garnaud de Gourdon].

Dix enfants dont : Jean Baptiste François de La Salle, écuyer, dit seigneur de Viginet, né et baptisé à Ludesse le 23 août 1775, marié à Clermont, le 2 messidor an IX, à Marie Hippolyte Rodde de Chalaniat, née le 2 et baptisée le 20 juillet 1780 à Clermont [fille d'Annet Rodde de Chalaniat et de Marie Dauphin], décès en 1848 au château de Gondole. Sans postérité. 

Il est probable que Jean Baptiste François de La Salle ne fut en réalité jamais seigneur de Viginet, son père ayant cédé ce fief en 1788 ou 1789.

Louis de Paneveyre, écuyer, seigneur de Viginet et en partie de Ternant, garde du corps du roi Stanislas de Pologne, prit sa retraite en 1757, comme lieutenant de cavalerie, décédé en 1805. Il avait épousé à Ternant le 20 novembre 1759, Nathanaelle de Belvezer de Jonchères [fille de Philibert de Belvezer de Jonchères, écuyer, et de Marguerite du Lac].

Quatre enfants dont : Michel Guillaume Amable de Paneveyre, écuyer, seigneur de Viginet, qui fut convoqué aux assemblées de la noblesse tenues à Riom en 1789. Il avait épousé à Neschers le 28 novembre 1780, Marie Amable Claudine Ravel de Montoron, damoiselle [fille de Paul Ravel de Montoron, ancien capitaine au régiment de Bresse infanterie, chevalier de Saint-­Louis, et de Marie Madeleine de Fay].

Quatre enfants dont : Maurice Guillaume de Panevère, écuyer, seigneur de Viginet, né vers 1786, décédé à Viginet le 20 novembre 1853, marié le 2S février 1805 à Françoise Antoinette Marie (dite Anastasie) du Ligondès, née le 22 avril 1784, baptisée à Saint-Diéry le lendemain, décédée à Ternant le 2 décembre 1856 [fille de Georges, marquis du Ligondès, officier au régiment de Royal-Roussillon cavalerie, chevalier de Saint-Louis, et de Charlotte d'Oradour].

Dont : Joseph Etienne de Paneveyre de Vigineix, né à Ternant le 17 juillet 1808, commandant de cavalerie, décédé le 27 février 1887 à Viginet. Il avait épousé Louise Aubague.

Dont une fille unique : Antoinette Marie de Paneveyre de Viginet, née à Ternant le 29 septembre 1858. Elle épousa à Saint-­Nectaire le 30 avril 1875, François Louis Marie Thibaud, né à Clermont le 9 janvier 1841, docteur en médecine, ophtalmologiste, professeur à l'école de Médecine de Clermont [fils de Jean Thibaud, propriétaire aux Roches (Chamalières) et de Marie Baraduc]. Jean Thibaud appartient à la famille des célèbres imprimeurs clermon­tois Thibaud-Landriot. Le couple vit et procrée à Viginet.

Quatre enfants au moins y naissent entre 1876 et 1889.

Marie Émilie Virginie Blanche Thibaud, leur fille est pro­priétaire de Viginet à partir de 1923, et l'exploite comme pension de famille. Elle meurt avant 1947, date où le cadastre mentionne comme propriétaires de Viginet : « les héritiers de M-E-V-B Thibaud ».

En 1955, Mlle Solange Bouchut, ancienne grossiste en fruits à Beaumont, achète Viginet pour en faire un établissement hôtelier. Le tribunal de commerce prononce sa faillite le 20 janvier 1967.

Adolphe Guy Jacques Barthélemy Septier de Rigny, achète Viginet en 1973 et transforme le manoir en pension pour enfants Les Hirondelles.

Cette activité para-hôtelière ne semble pas avoir répondu à ses attentes et après avoir essayé de diversifier ses activités, en 1996, il cède Viginet pour 1,8 million de francs à 1'« ordre des Rose­-Croix » qui en fait le « domaine rosicrucien de l'enfance et des loi­sirs ».   

Raymond Bogros, septembre 2002

Sources :

Grand dictionnaire historique du département du Puy-de-Dôme, Ambroise Tardieu, 1877.

Histoire de la maison de Bosredon, Ambroise Tardieu, 1863.

Dictionnaire des fiefs de la Basse-Auvergne, comte de Remacle.

Sur les traces de Pierre et Michel Baraduc, marchands d'Auvergne et bourgeois de Bayonne, XVIIe siècle, Enquête généalogico-historique, Raymond Bogros, 1990.

Le petit Viginet, n°3, février 2004

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